De l’expérience à la contamination.

Introduction

L’expérience est un terme qui généralement a une consonance positive. Elle caractérise l’accumulation par le temps de connaissances et de savoir-faire d’un travailleur ou de toute autre personne ayant eu une activité quelconque dans la durée. Elle est donc souvent garante d’efficacité supplémentaire pour qui la possède.

La contamination

A force d’échanges avec d’anciens travailleurs, ouvriers ou ingénieurs, vous pourrez constater que l’expérience devient aussi synonyme de contamination. Elle engendre, dans ce cas, l’incapacité partielle ou totale de l’expérimenté à s’adapter à un autre contexte que celui d’où elle provient. Souvent, plus une personne est expérimentée dans le même contexte et moins elle sera capable de s’adapter à d’autres. Ce bien malheureux constat est d’autant plus vrai pour les personnes ayant toujours occupé le même poste. Lorsqu’une personne très expérimentée, ayant passé toute une vie active dans un même poste et/ou domaine, utilise, dans un autre contexte, des réflexes issus de son expérience d’une manière automatique et quasi religieuse, il s’agit de contamination. Ce phénomène de contamination peut notamment provenir d’un refus de considérer sa propre inefficacité malgré son age. Il ne faut pas confondre l’age et l’expérience. L’age ne procure en aucun cas une expérience universelle.

L’expérience de l’expérience

Un travailleur vacant, changeant souvent de poste, deviendra par la force des choses conscient de la nécessité de reconsidérer le contexte. Si ce n’est pas le cas, nous pouvons poser les questions suivantes : peut on affirmer qu’un travailleur vacant aura développé une capacité d’abstraction universelle allant au delà de l’ensemble des différents postes qu’il aurait déjà occupé ? Développera-t-il une vraie capacité de généralisation ou bien serait-ce uniquement une illusion procurée par la somme des différentes expériences ? Ces questions restent ouvertes, mais nous pouvons raisonnablement affirmer qu’une expérience globale riche et utile ne peut s’acquérir qu’à la condition d’avoir fait des expériences, c’est à dire avoir varié ses activités et fait varier des paramètres dans les procédures et les manières de faire au sens général. Se contenter d’un résultat et le reproduire à l’identique n’augmente ni les connaissances ni les capacités d’analyse. De la même manière, avoir pensé toujours les mêmes choses pendant toute une vie n’en fait pas des vérités universelles.

A différents contextes, différentes pratiques.

Les contextes prédominants sont l’industrie, la recherche et l’artisanat. Le point important à soulever est que ces contextes utilisent des hypothèses de travail très différentes dont il faut être absolument conscient pour rester pragmatique en chacun d’eux.

Dans le contexte prédominant qu’est l’industrie, il existe des métiers spécifiques propres à chaque sous-contexte.

Un ingénieur “produit” sera amené à concevoir les produits les plus rentables. Il optimisera savamment la forme d’un objet mécanique afin de réduire la quantité de matière utilisée. En effet, en production en grande série, cette quantité de matière représente une économie non négligeable.

En revanche, un ingénieur développant des machines de production internes à l’entreprise réalisera des prototypes avec une optique de durabilité et de fiabilité. Dans ce cas, il majorera la quantité de matière utilisée pour favoriser la fiabilité des machines. La quantité de matière supplémentaire représentant un surcoût négligeable devant le gain de résistance mécanique.

La recherche est aussi un autre contexte bien particulier qui utilise des hypothèses différentes, où le “prototype bricolé” est monnaie courante.

Conclusion

Des personnes expérimentées dans l’industrie risquent de critiquer indûment, avec des hypothèses non reconsidérées, des systèmes conçus et réalisés dans un contexte alternatif. De la même manière, les chercheurs critiquent parfois les systèmes industriels avec une approche d’optimisation beaucoup trop théorique. Les pires critiques de systèmes techniques, et qui font apparaître les contaminations, sont celles qui commencent par l’interjection : “Ce n’est pas comme ça qu’ont fait !” Cette interjection démontre que la personne qui la prononce considère son expérience comme universelle, ce qui est de surcroît faux et prétentieux.